Pages Menu
Categories Menu

Vers une nouvelle mesure de l’influence sur Twitter

sumall_twitter

Avec plus de 300 millions d’utilisateurs, Twitter est l’un des plus importants réseaux sociaux au monde. 500 millions de tweets de 140 caractères y sont échangés tous les jours. Twitter puise sa force dans la puissance des interactions entre ses membres. Deux grands types d’interactions y sont d’ailleurs possibles : suivre un compte et retweeter / mentionner.

Nombreux sont les utilisateurs qui aspirent à être influents sur Twitter. Le Larousse définit l’influence comme “l’ascendant d’un individu sur d’autres individus” ou encore le “Pouvoir social (…) de quelqu’un, d’un groupe, qui leur permet d’agir sur le cours des événements, des décisions prises, peu importe leur nombre”. Être influent sur Twitter, c’est donc acquérir une importance et un pouvoir par rapport aux autres utilisateurs, notamment celui de générer par ses publications de multiples interactions.

Certains outils proposent à l’heure actuelle de mesurer l’influence sur Twitter : Klout, Kred, Tweet Grader ou encore Twitalyzer fournissent un score d’influence après analyse du compte Twitter d’une personne. Malgré le manque de transparence sur la manière dont les scores sont calculés, de nombreux utilisateurs se basent sur ces résultats pour évaluer et améliorer leur influence.

Les récentes études de Messias et al. ont prouvé les limites des outils de mesure d’influence Klout et Twitalyzer. Ils ont créé deux comptes robots cumulant des followers de manière automatique et tweetant également de manière automatique à propos de tendances populaires. Ces comptes ne sont clairement pas identifiés comme influents. Malgré tout, les scores observés pour ces bots sur les outils Klout et Twitalyzer se sont avérés aussi élevés que ceux de réels influenceurs.

Pour étayer ces études, Dugué, Perez (Université d’Orléans) et Danisch (Univ. Pierre et Marie Curie) ont testé par eux-mêmes la pertinence de ces outils au regard du phénomène de capitalisme social. Les capitalistes sociaux sont définis comme des utilisateurs Twitter uniquement motivés par le gain de followers. Certains capitalistes sociaux augmentent leur masse de followers afin de gagner en visibilité / influence. D’autres s’en servent pour mieux diffuser du spam ou pour vendre leur tweets. D’autres encore font grossir leur nombre de followers pour simplement avoir l’air important.

Les capitalistes sociaux, par opposition aux individus dits “normaux”, qui utilisent Twitter pour sa fonction sociale et non pour collecter des followers, ne sont pas pris en compte par les outils actuels de mesure d’influence. Partant de ce constat, Dugué, Perez et Danisch ont au fil de leurs recherches tenté de développer un outil capable de mesurer l’influence tout en prenant en compte le capitalisme social.

La notion de capitalisme social dans la mesure de l’influence sur Twitter

  1. Qui sont les capitalistes sociaux ?
  2. Comment distinguer capitalistes sociaux et utilisateurs normaux ?
  3. Qu’est-ce qui les caractérise ?
  4. Comment mesurer l’influence ?
  5. Un nouvel outil de mesure ?

1 / Qui sont les capitalistes sociaux ?


Avoir un nombre impressionnant de followers ne signifie pas pour autant être influent.

Comme nous l’avons vu précédemment, l’influence se définit dans l’exercice d’un “pouvoir social” et par la capacité d’agir sur “le cour des événements”. Les outils de mesure d’influence Klout, Kred, Tweet Grader ou encore Twitalyzer se basent ainsi principalement sur les interactions entre utilisateurs et non le nombre de followers pour définir un score d’influence.

Pour autant, de nombreux utilisateurs se servent de leur compte Twitter dans l’unique but de collecter un maximum de followers et ce, de manière artificielle. Ils sont ce qu’on appelle des capitalistes sociaux. Leur comportement n’est en rien contraire aux règles sociales de Twitter, mais peut-on malgré tout les considérer comme influents ?

Pourquoi ? Certains capitalistes sociaux cherchent à gagner en visibilité sur Twitter pour avoir plus de chance d’être retweetés et/ou mentionnés et ainsi obtenir un bon score d’influence. D’autres souhaitent augmenter leur nombre de followers dans l’unique but de diffuser à un plus large public des spams et liens malveillants. Tous ne sont pas pour autant des spammeurs et malgré leur comportement presque mécanique, ces capitalistes sociaux sont en majorité de véritables humains.

followback

Comment ? Pour obtenir un maximum de followers, ces utilisateurs utilisent deux grands principes :

  • Follow Me and I Follow You (FMIFY) : l’utilisateur promet à ses followers qu’il les suivra en retour;
  • I Follow You, Follow Me (IFYFM) : l’utilisateur suit un autre utilisateur dans l’espoir d’être suivi en retour.
  • Dugué et Perez ont étudié les méthodes employés par ces capitalistes sociaux. Ils ont remarqué l’utilisation récurrente de hashtags spécifiques et de techniques de retweet pour s’identifier entre eux et faire grandir mutuellement leur nombre de followers. On retrouve entre autres les hashtags : #IFollowBack et #TeamFollowBack qui incitent les utilisateurs à les suivre, ou encore le hashtag #FollowTrain qui apporte des followers aux personnes
    qui les suivent.

    hashtags populaires

    #TeamFollowBack fait partie des hashtags les plus populaires

    tweet au contenu inutile

    85 RT pour ce tweet sans contenu réel et usant des hashtags des capitalistes sociaux.

    S’il est évident que ces individus ne sont en rien des influenceurs, ils arrivent néanmoins à fausser les résultats des outils de mesure d’influence cités plus haut.

    Pour tester ces outils de mesure, Dugué et Perez ont repris les tests effectués par Messias et al.. Ils ont observé les scores Klout de capitalistes sociaux notoires comme ceux identifiés plus haut et ont constaté qu’ils étaient très élevés. Cette démonstration leur a permis d’émettre le postulat suivant : les outils de mesure actuels ne différencient pas les capitalistes sociaux des utilisateurs “normaux”.

    Pour faire le tri entre ces deux types d’individus, Dugué, Perez et Danisch ont élaboré des méthodes de classification.

    2 / Comment les distinguer des individus “normaux” ?


    Dugué et Perez ont établi une première méthode afin de distinguer les capitalistes sociaux du reste des utilisateurs.

    Rappelons pour commencer les dénominations standards : lorsque l’utilisateur a suit l’utilisateur b, on dit que a est un follower de b et que b est un ami de a.

    Le ratio crée par Dugué et Perez est une version évoluée du rapport classique amis / followers. La formule utilise l’intersection des deux segments amis et followers, le rapportant au minimum d’amis ou de followers. Ce calcul nous permet ainsi d’obtenir la probabilité qu’un individu soit un capitaliste social.

      Un ratio proche de 1 signifie que l’individu est ami avec une grande partie de ses followers et qu’il est donc plus probable qu’il soit un capitaliste social et réciproquement si le ratio est proche de 0.

  • Cette méthode simple permet d’illustrer les principes du FMIFY et du IFYFM : plus le lien entre amis et followers est réciproque, plus l’individu a de chance d’être un capitaliste social.
  • Elle permet également de faire une première distinction entre deux types d’individu, l’un se rapprochant du profil de capitaliste social et l’autre des individus dits “normaux”. Le premier utilisant des hashtags spécifiques et le second ayant un comportement normal.
  • 3 / Qu’est ce qui les caractérise ?


    Partant des comportements identifiés comme spécifiques aux capitalistes sociaux, Dugué et Perez ont constitué à partir d’un échantillon d’utilisateurs, deux groupes d’individus. Cette fragmentation va ensuite leur permettre de dresser un portrait type des capitalistes sociaux et de déterminer les caractéristiques qui leur sont propres. Ils accumulent et vérifient ainsi de plus en plus d’informations en vue de développer le parfait algorithme qui déterminera si une personne est ou non un capitaliste social.

    Exemples positifs de capitalistes sociaux

    Pour obtenir un premier groupe uniquement constitué de capitalistes sociaux, ils ont extrait de Twitter, 25 000 personnes utilisant à répétition les hashtags clés cités plus haut (#TeamFollowBack, #IFollowBack, etc.). Ils constituent leurs exemples positifs de capitalistes sociaux.

    Exemples négatifs de capitalistes sociaux

    Le second groupe a été choisi de manière aléatoire parmi l’ensemble des utilisateurs Twitter. La part de capitalistes sociaux parmi ces utilisateurs ne constituerait selon eux que 0,2% de l’ensemble du réseau, un chiffre négligeable. 55 000 individus constituent donc leurs exemples négatifs.

    La caractérisation des capitalistes sociaux

    Dugué et Perez ont ensuite caractérisé à l’aide de l’API Twitter chacune de ces catégories selon :

  • Des paramètres classiques : nombre d’amis, followers, tweets, favoris…
  • Des paramètres plus précis : tweets originaux, retweets…
  • caractérisation
    Les paramètres pris en compte ont permis d’établir une réelle différentiation entre les capitalistes sociaux et les individus “normaux”. Les données sont clairement différenciantes et elles permettent d’attribuer des caractéristiques propres aux capitalistes sociaux et d’autres propres aux individus “normaux”.

    Jusqu’ici, Dugué et Perez ont donc pu déterminer un profil assez précis du capitaliste social :

  • Il use de hashtags spécifiques au capitalisme social
  • Il demande aux utilisateurs d’interagir pour gagner de nouveaux followers
  • Il encourage tous les utilisateurs à se suivre réciproquement grâce au hashtag #FollowTrain
  • Il a beaucoup de followers qui sont à la fois des amis
  • Il est plus retweeté que les utilisateurs “normaux”…
  • Les retweets étant au coeur de la mécanique de calcul des scores Klout et Kred, il n’est pas étonnant que certains capitalistes sociaux soient considérés par ces outils comme influents.

    4 / Comment mesure-t-on l’influence ?


    Comme nous l’avons mentionné plus haut, les capitalistes sociaux peuvent par leur comportement entraîner de nombreuses interactions et donc être faussement considérés comme influents par les outils de mesure Klout, Kred et Twitalyzer.

    Pour démontrer l’utilité de l’intégration de la notion de capitalisme social dans la mesure de l’influence, Dugué et Perez ont voulu comparer les scores Klout, Kred et Twitalyzer des exemples positifs et négatifs mentionnés plus haut.

    Ils ont également calculé le ratio pour l’ensemble de ces exemples et ont ainsi observé sur cet échantillon qu’un individu a plus de chances d’être un capitaliste social lorsque ce ratio est supérieur à 0,74.

    scores d'influence

    Le comparatif des scores par rapport au ratio leur ont permis de faire le constat suivant : malgré un ratio supérieur à 0,74, certains individus obtiennent des scores d’influence sur les outils de mesure existants largement supérieurs à la moyenne qui est actuellement de 40.

    Il devient encore plus évident que Klout ne prend pas en compte le capitalisme social dans sa mesure d’influence lorsque nous comparons les scores de réels influenceurs comme Barack Obama et Oprah Winfrey à ceux des capitalistes sociaux. Leur score d’influence Kred et Twitalzer est quasi identique quand bien même le contenu des tweets partagés par les capitalistes sociaux n’ont rien de pertinent. Le score Klout des capitalistes sociaux reste élevé mais est néanmoins plus faible que celui des influenceurs. Cela s’explique par le fait que le score Klout rassemble l’influence qu’a un individu sur Twitter mais également sur de multiples réseaux, et notamment Wikipedia.

    Pour conclure, malgré le fait que l’outil Klout précise porter plus d’intérêt aux interactions qu’aux followers, on remarque que son score croît linéairement au nombre de followers. Une corrélation qui s’explique par le fait que le cumul de followers favorise généralement le nombre d’interactions : mentions, retweets… Ainsi plus on a de followers, plus les interactions sont fortes et donc plus le score d’influence calculé est important.

    Pas étonnant donc que de nombreux utilisateurs adoptent un comportement de capitaliste social dans le but d’augmenter l’influence mesurée par des outils comme Klout.

    5 / Un nouvel outil de mesure ?


    Nous l’avons vu plus haut, le score Klout ne tient pas compte du capitalisme social. C’est pourquoi, Dugué et Perez ont décidé de le pondérer en y ajoutant une donnée représentant le capitalisme social. Ils ont ainsi obtenu un nouveau score permettant de donner une probabilité d’influence réelle excluant le capitalisme social.

    Ainsi, Dugué, Perez et Danisch se sont servis du classifieur établi à partir des exemples positifs et négatifs pour déterminer la probabilité pour chaque utilisateur d’être un capitaliste social. Désormais disponible sous forme d’une application en ligne, il permet de donner en temps réel et uniquement à partir de l’identifiant Twitter d’un individu la probabilité que celui-ci soit ou non un capitaliste social. En plus de sa fonction première, cette application va permettre à nos jeunes chercheurs de collecter de la data et de faire ainsi évoluer la connaissance sur le capitalisme social.

    Tester l’application de mesure d’influence

    webapp influence

    Article écrit en collaboration avec Nicolas Dugué (Université d’Orléans)

    Lire notre article : 7 conseils pour gagner de l’influence sur Twitter »